Allergies de contact aux parfums et cosmétiques

ALLERGIES DE CONTACT AUX PARFUMS ET COSMÉTIQUES: DE QUOI S’AGIT-IL ?

Les eczémas de contact sont – au même titre que les allergies des voies respiratoires et des allergies alimentaires – des pathologies très fréquentes déclenchées par des réactions allergiques. Ces eczémas sont provoqués par un contact direct de la peau avec des substances; jusqu’à 7 % de la population sont concernés. Les symptômes peuvent être les suivants : une peau sèche, rougie ou desquamée et des démangeaisons. Si le contact avec l’allergène se prolonge, des vésicules, des nodules et des lésions cutanées douloureuses peuvent survenir.

Les symptômes sont généralement limités au point de contact entre la peau et la substance allergène. Dans les cas graves, il peut y avoir exceptionnellement un effet de diffusion et l’eczéma peut toucher d’autres endroits. Il n’est pas rare de voir certains parfums provoquer des allergies de contact sur les paupières.

De telles réactions peuvent être déclenchées par des substances les plus diverses. Il s’agit très souvent de métaux comme le nickel contenu dans les bijoux fantaisie ou du chlorure de cobalt (traitement du cuir). A côté de cela, des substances professionnelles comme le ciment (chromate) sont aussi des allergènes potentiels. Même des substances végétales naturelles peuvent déclencher de telles réactions. Les lessives et détergents contiennent souvent des parfums pouvant être à l’origine d’allergies. Les substances qui causent les allergies de contact sont généralement très petites (poids moléculaire < 500 daltons), c’est-à-dire significativement plus petites que les protéines allergènes comme dans le cas des allergies au pollen ou les allergies alimentaires. Ces substances ne se transforment souvent en allergène qu’en se liant aux protéines et sont également désignées comme haptènes.

Certains parfums sont la cause de l’allergie de contact la plus fréquente après le nickel : de tels parfums figurent aujourd’hui parmi les 5 principales sources d’allergies de contact. Dans une étude récente, le parfum hydroxyisohexyl 3-cyclohexène carboxaldéhydes a été identifié comme un sensibilisant important. Les allergies de contact aux parfums contenus dans les désinfectants ont également été de plus en plus détectées – sans aucun doute une conséquence des mesures d’hygiène résultant de la pandémie de Covid-19. Plus de cent mille personnes en Suisse sont allergiques à ces substances parfumées.

Les allergies au parfum connaissent aussi une progression fulgurante ces dernières années. Dans la région des paupières notamment, une part non négligeable est causée par des allergies de contact aux parfums. Les allergies au parfum se sont démultipliées essentiellement chez les enfants et adolescents depuis que l’industrie cosmétique cible également les enfants et que les parfums rencontrent un franc succès auprès des adolescents. Or, certaines crèmes solaires, bains moussants et parfois même certains aliments contiennent également des parfums pouvant déclencher ce genre d’allergies de contact notamment chez les enfants. Jusqu’à 13 % des adolescents sont aujourd’hui concernés par une allergie au parfum. Le développement de telles allergies au parfum par des enfants connait une expansion rapide également sur d’autres continents, comme le révèle une enquête effectuée récemment au Brésil.

D’autres allergies de contact au groupe des méthylisothiazolinones (MI) représentent également un problème toujours plus important. La MI a été longtemps employée en association avec le conservateur méthylchloroisothiazolinone (MCI). Au vu de son potentiel allergène connu, la MCI est toutefois nettement moins utilisée aujourd’hui. La MI remplit en revanche la fonction d’agent conservateur dans toute une gamme de produits de consommation, de cosmétiques et de nombreux produits de soins pour la peau.

La sensibilisation s’effectue surtout par le biais des cosmétiques et moins par d’autres produits. En plus de jouer un rôle important dans le déclenchement d’allergies de contact, MCI/ MI ont aussi des propriétés d’allergènes aériens. Ces substances sont présentes notamment dans une large variété de crèmes pour la peau et le corps, de shampoings et d’autres soins pour les cheveux, de savons, de lotions solaires, de gels de douche et de bains moussants. Certains produits ménagers présentent également ces caractéristiques, dont notamment les adoucissants, les produits-vaisselle, les liquides de nettoyage, les peintures à l’eau, les peintures murales hydrosolubles (dispersion) ainsi que les produits lustrants et d’entretien du bois. La fréquence des allergies de contact à la combinaison MI/ MCI étant en nette recrudescence, il serait judicieux de procéder à une déclaration obligatoire étendue sur leur mode d’apparition.

CONTACT ALLERGY: WHAT HAPPENS?

En cas de contact correspondant, la peau présente une réaction allergique transmise par les cellules du système immunitaire (lymphocytes T). En l’espace de quelques heures à quelques jours apparaissent rougeurs, petites cloques qui chatouillent, démangeaisons et gonflement au point de contact. En cas de contact prolongé, la peau peut aussi se desquamer et devenir irrégulière. Si le contact en cause est interrompu, les désagréments disparaissent généralement en quelques heures ou quelques jours. Si le contact a été prolongé, il se peut que l’eczéma persiste quelque temps même après la suppression du contact. Dans certains cas, une infection purulente peut aussi se déclarer comme on en observe assez régulièrement avec les boucles d’oreille chez les personnes allergiques au nickel.

Principaux allergènes de contact par ordre d’importance

  • Nickel
  • Fragrances-Mix
  • Baume du Pérou
  • Thiomersal
  • Paraphénylènediamine
  • Cobalt
  • Bichromate de potassium
  • Colophane
  • Thiuram-Mix
  • Chlorure mercurique
  • Sulfate de néomycine
  • Paraben-Mix

Une allergie de contact avérée ne peut être éradiquée par un traitement, mais persiste pendant de nombreuses années. S’il est possible d’éviter le contact avec l’allergène, l’eczéma peut cependant se manifester. En principe, les personnes ne sont allergiques qu’à un seul produit chimique à la fois. L’allergie est spécifique à l’antigène, mais il peut y avoir une sensibilité croisée : ainsi, un patient peut réagir à une substance chimique similaire par un eczéma, même si cette dernière se trouve dans un produit totalement différent.

Un patient peut de ce fait être sensibilisé à un agent colorant noir présent dans une préparation de teinture pour cheveux (p-phénylènediamine), et l’eczéma peut par la suite flamber en raison de la structure apparentée de l’acide p-aminobenzoïque contenue dans une crème solaire. Avec les allergies de contact au parfum et produits cosmétiques, ces symptômes peuvent rester très discrets au début et se traduire par de simples rougeurs légères et une démangeaison. Mais, si l’allergie de contact est plus virulente, le patient peut présenter en quelques heures seulement des rougeurs massives, gonflements et suintements.

Les parfums allergènes tels que l’aldéhyde de cannelle, l’isoeugénol du baume du Pérou ou l’essence de térébenthine se retrouvent aujourd’hui dans de nombreux cosmétiques et produits d’hygiène corporelle. De plus, les cosmétiques et produits pour cheveux tels que les colorations capillaires ou shampoings peuvent contenir des substances allergènes. Il convient de faire la distinction ici entre les substances qui restent sur la peau (produits « leave-on »), ex. crèmes et lotions, et les produits à rincer comme les gels douche ou les shampoings (produits rince-off).

Les personnes souffrant d’une allergie au parfum ou à la peau très sensible n’ont pas la vie facile. Une enquête de la revue «Öko-Test » a révélé par exemple que 22 des 25 parfums de marque testés contenaient au moins un parfum allergène. De plus, la présence de parfum peut aussi être observée dans des aliments, des boissons et le tabac. Même le papier toilette est parfois « enrichi » de telles substances parfumées.

Depuis le 1er juillet 2004, 26 parfums allergènes doivent être déclarés sur les emballages de cosmétiques dans l’UE. 18 ingrédients parfumés sont des composants naturels de nombreuses huiles essentielles mais sont aussi produits artificiellement pour des mélanges parfumés conventionnels.

Il s’agit des composants suivants :
linalol, limonène, farnesol, citronellol, cinnamate de benzyle, benzoate de benzyle, alcool anisique, isoeugénol, géraniol, eugénol, coumarine, citral, cinnamal, alcool cinamylique, salicylate de benzyle, alcool de benzyle, extrait de mousse de chêne, extrait de mousse d’arbre*.

Huit de ces substances ne peuvent être que synthétiques, c’est-à-dire produites par un procédé pétrochimique : Amylcinnamal, hydroxycitronellal, alcool amylcinnamylique, 4- (4-Hydroxy-4-methylpentyl) -3-cyclohexencarboxaldehyd, 2- (4-tertButylbenzyl) propionaldehyd, hexyl-aldéhyde de cannelle, Methylheptin-carbonat (2-octine carbonate de méthyle), 3-Methyl-4- (2,6,6-trimethyl-2-cyclohexen-1-yl) -3-buten-2-on.
(*considérés comme allergènes particulièrement fréquents par les allergologues.)

Naturellement, la concentration de ces substances joue aussi un rôle dans le déclenchement des allergies. Il est possible de se procurer en Suisse des produits portant le label de qualité du SAS (Service allergie suisse; www.service-allergie-suisse.ch). Ils sont de plus en plus nombreux sur le marché. Les cosmétiques et produits de soins corporels en question sont exempts des parfums cités plus haut. En outre, les patients atteints de névrodermite qui survient souvent en cas de tendance atopique sont particulièrement menacés car les substances odoriférantes irritent la peau ou déclenchent des allergies. Ils doivent donc utiliser des produits de soin des cheveux appropriés. La peau des patients atteints de névrodermite a tendance à être irritée et sèche et est souvent très sensible aux substances irritantes comme le savon ou les désinfectants et surtout aux substances odoriférantes et conservatrices qui y sont ajoutées. Jusqu’à 8 % de la population totale et 15 % des enfants souffrent de névrodermite.

COMMENT SAVOIR SI JE SOUFFRE D’ALLERGIE DE CONTACT AUX PARFUMS / COSMÉTIQUES ?

Tout d’abord, l’observation des symptômes correspondants tels que les rougeurs, les démangeaisons, la formation de petites cloques sur la zone du corps concernée par l’application de parfums ou cosmétiques est un indice important pour le diagnostic d’une allergie de contact au parfum. C’est surtout quand de tels changements se produisent de façon répétée lors de l’utilisation du produit d’hygiène qu’il faut penser à une allergie de contact.

Test positif à la Paraphénylènediamine
(en cas d'allergie de contact à la teinture capillaire)

Pour confirmer une allergie au parfum, il est nécessaire de subir un test épicutané ou patch test. Durant ce test, les substances correspondantes sont appliquées en petites quantités sur la peau pendant 24 à 48 heures à l’aide d’un patch collé dans le dos. En cas de tendance allergique à la substance testée, un léger eczéma de manifestation diverse mais souvent clairement visible apparaît sous ce patch. Ces réactions augmentent encore pendant 24 heures après le retrait du patch. Pour évaluer correctement ce test, il faut donc prévoir une visite médicale lors du placement du patch et une autre au bout de 2-4 jours, voire une semaine.

Ces tests épicutanés peuvent être effectués avec des séries de tests standardisées comme la série de parfums, la série de produits pour les cheveux, etc. A côté de cela, il est aussi possible de tester en même temps les produits d’hygiène du corps et les parfums utilisés par le patient. Si un tel test se révèle positif, un document d’allergie correspondant et des informations sur la présence de la substance incriminée sont remis au patient.

Test positif à la Les patch test sont collés sur le dos pour diagnostiquer une allergie retardée (test épicutané)

Comme la déclaration de la présence de tels cosmétiques et substances odoriférantes ne suffit pas toujours, les patients peuvent aussi évaluer leur tolérance à l’aide de tests Use ou de sommation (ROAT test: Reepated = test d’application ouverte répétée). Pour ce faire, la substance incriminée est appliquée pendant 3 jours consécutifs au même endroit, idéalement marqué (ex. à l’intérieur de l’avant-bras ou dans le coude). Si un eczéma apparaît à cet endroit, la probabilité d’une allergie de contact correspondante à cette substance est très forte. Mais, si la substance est bien tolérée, il n’y a pas d’allergie de contact du moins au début de l’application.

COMMENT TRAITER UNE ALLERGIE DE CONTACT?

Le traitement consiste tout d’abord à éviter les substances incriminées. C’est pourquoi une déclaration des allergènes est très importante pour pouvoir éviter à l’avenir les produits contenant ces substances. Idéalement, il convient d’éviter les substances potentiellement allergènes dans les cosmétiques et produits de soin du corps et d’hygiène et au moins de les déclarer correctement. En cas d’eczéma de contact aigu avec un allergène inconnu, l’application de mesures apaisantes comme des compresses de sachets de thé tièdes est nécessaire. Dans les cas plus virulents, l’application de substances antiinflammatoires telles que des crèmes locales à base de cortisone est utile. Dans les cas les plus graves, le traitement aigu passe par l’administration occasionnelle de cortisone en usage interne.

Ce traitement peut toutefois être suspendu au bout de quelques jours après la suppression de la substance en cause car l’absence de l’allergène devrait aboutir à la guérison. En cas d’exposition professionnelle aux cosmétiques, le contact avec ces substances doit être strictement évité. Cela nécessite, par exemple, le port de gants voire la réorientation professionnelle lorsqu’il n’est pas possible d’éviter suffisamment ces substances – par exemple dans le cas de coiffeurs ou dans le secteur des cosmétiques. La suspension du contact avec les substances correspondantes aboutit toujours à la guérison de l’eczéma de contact au bout d’un certain temps. Mais il est important de veiller à ce que cet eczéma ne se transforme pas en allergie. C’est pourquoi les produits cosmétiques ne devraient contenir aucune substance allergène, si possible.

Idéalement, il faut éviter ou au moins déclarer les substances potentiellement allergènes. Dans tous les autres cas, il ne reste au patient atteint d’allergie au parfum que la possibilité de passer un test d’allergie involontaire sur son propre corps : il est obligé d’essayer un nouveau produit au petit bonheur la chance en espérant qu’il ne contienne pas de substances allergènes. Mais s’il n’a pas de chance et que le produit contient ce genre de substances, il y aura comme résultat désagréable, une nouvelle poussée d’eczéma.Afin d’éviter autant que possible ces essais empiriques extrêmement désagréables, une déclaration correspondante des allergènes de contact éventuels est très importante. A ce niveau, les éventuels labels de qualité tels que le label «aha! » (www.service-allergie-suisse.ch) qui a très largement fait ses preuves peuvent être une aide précieuse pour les patients.

D’une part, ces cosmétiques certifiés ne peuvent contenir aucune des 26 substances odoriférantes potentiellement allergènes. D’autre part, les autres ingrédients pouvant déclencher une allergie doivent être déclarés en détail. Heureusement, le nombre de produits certifiés ne cesse d’augmenter: ainsi quelque 115 produits cosmétiques et 10 produits de lavage et de nettoyage certifiés de divers fournisseurs seront disponibles au printemps 2019.

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Prof. Dr. med. Peter Schmid-Grendelmeier
Chef du service des allergies, Clinique de dermatologie, Hôpital universitaire de Zurich Membre du conseil scientifique du Centre Christine-Kühne de recherche et d’éducation sur les allergies et de recherche de Davos (CK-CARE)

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